Amour-poubelle

Le texte :

Derrière notre écran, on tente de rester placides face à cette gangrène de la nouvelle ère. Si froides, si impersonnelles, ces applications corrompent l'âme jusqu'à la moelle. L'estime peut en prendre un coup sous ces journées de silence radio, et c'est sans parler des averses d'insanités que la masculinité toxique déverse sur la gente féminine. Elles doivent se sentir trop souvent sales et souillées suite aux conversations pernicieuses avec leurs matchs. Swipe à droite, swipe à gauche : une danse monotone et blasée, tentative de combler un petit coin de notre solitude. À tous les coups, on en sort déçu, car dans cette pièce on reste seul. Sous la vitre du cellulaire, les possibles rencontres défilent. On capitalise le romantisme, tandis qu'on consomme l'amour. Sous cette enseigne de restauration rapide servant des papillons dans le ventre, on en vient à accepter ces flirts avec une date de péremption. On se like, on s'oublie, on ne se répond plus. On se like, on s'oublie, on ne se répond plus... Rapidement, on froisse ces premiers contacts pour les balancer aux vidanges. On délaisse nos attentes chevaleresques pour se contenter des miettes de faux-semblant de gentillesse qu'on nous offre en échange d'une fallacieuse estime personnelle. On consomme goulument, on gaspille idiotement, on perd notre temps, car dès la première fêlure cet amour se cassera. Sans réel premier contact, on esquive l'angoisse d'un dévoilement ardu. Pourtant, il y a quelque chose d'organique dans la manière où l'élan d'un aveu de nos sentiments amoureux tenaille chacune de nos tripes. Seul, avec pour unique bouclier l'espoir et pour épée cette folie idyllique, affrontant un possible refus sans filet technologique. Aurions-nous si peur d'être blessés que nous nous refusons à être vivants ?