Ici
Les gentils sont les martyrs de notre époque contemporaine. Ils repoussent les tentations tout en tirant maintes personnes de leur petite misère. Ils forment les derniers remparts de protection face aux âpres facettes de notre monde tout déglingué. Ils ont la peau meurtrie des coups qu’ils se prennent en allant directement sur les premières lignes. On les insulte même s’ils disent la vérité. On les boude même si ce qu’ils font n’est pas facile. On les oublie même s’ils font la différence. En bons gentlemen, ils écoutent les silences pour que leurs mots s’imprègnent de sens. Ils ne peuvent s’empêcher de sauver les personnes en détresse sur leur chemin. Ils soufflent sur les blessures pour les apaiser, ils souffrent en silence. Ils ont une colonne d’acier, des convictions bien implantées et une volonté indétrônable. Ce sont des voyageurs qui sèment le bonheur sous leur passage, des voyageurs qui trainent dans leur bouche un certain goût d’amertume. Ici, ils gardent la certitude de faire les bons choix, d’agir pour le mieux de ceux qui les entourent. Ici, ils ferment les yeux en entendant les mots qu’on leur adresse : « c’est vraiment un bon gars », « t’as été mon héro », « t’es vraiment mon meilleur ami », « t’es comme un frère pour moi »… Pendant qu’une larme se forme sous cette orgueilleuse paupière. Pourtant, ici, ils préfèreront clairement être appelés des héros plutôt que de porter l’étiquette du trou du cul. Ici, ils préfèreront un sincère merci à une soirée d’ébats exaltants. Ici, ils tenteront de sauver les autres avant même de commencer à se sauver eux-mêmes. Trop souvent, il y a tellement de filles qui regardent dans la mauvaise direction, car elles ne voient seulement que d’attirants vilains; miroir aux images déformantes. On dit que nous acceptons seulement ce que nous croyons mériter. Ainsi, aussi merveilleuses soient-elles, les filles accepteront que des larmes viennent gâter leurs joues pour passer du temps au côté de ces désirables vilains. Ici, dans notre monde idéalisé, nous croyons qu’un jour les gentils auront le dessus sur les vilains. Ici, après la tempête de larmes qu’ils ont créée, les gentils ramènent ces beaux sourires lumineux sur les visages. Ici, ils tentent tout ce qu’ils peuvent : « Un grand pouvoir implique de grandes responsabilités ». Ici, ils sont les derniers piliers d’un code d’éthique en disparition. Ici, ils ont pleuré en silence, ils ont séché leurs larmes pour cacher leur faiblesse et ils ont séché d’autres yeux humides. Ici, ils font tout ce qui est en leur pouvoir pour que leurs matins soient ensoleillés et qu’elles se couchent sur de beaux rêves. Ici, ils suivent leur cœur jusqu’au bout des actes qu’il leur dicte. Ici, ils sont prescripteurs de beaux moments, raboteurs de blessures, revendeurs d’optimisme, copains de l’espoir et fournisseurs de conseils. Ici, ils sont là et ils y resteront. Lorsqu’elles réaliseront que ce sont les gentils qui ont toujours été là pour elles et que ce sont eux qu’il leur faudrait, ils seront là, patients. Et, ils pourront se dire : Ici j’ai aidé. Ici, je l'ai sauvée. Ici, on pouvait compter sur moi. Ici, j’y ai laissé quelques regrets. Ici, j’ai déjà aimé… Ici, on s’accepte comme on est, on s’accroche à l’espoir et on continuera à être présents.
Ce texte a été écrit pour mon ami Juan Cardona.